Je livre ici un entretien que j'ai eu récemment avec Famine, de Peste Noire, depuis son nouveau bastion de Kiev, en Ukraine. Ainsi merci de prendre en compte le fait qu'il s'agit d'une interview exclusive, qui porte sur l'oeuvre que Famine nous donne à entendre et à voir depuis plus de quinze ans. HAILS ! UNITE !
Le Scribe du Rock
INTERVIEW
AVEC FAMINE DE KPN DEPUIS KIEV
Salut
Famine, et merci de bien vouloir répondre à mes questions. Peux-tu
revenir pour nous sur les fondations de Peste Noire ? En 2000
vous vous formez en Avignon (ma ville ! NdA) sous le nom de Dor
Daedeloth (en référence à Tolkien) et vous sortez la démo « Aryan
Supremacy ». Peux-tu narrer la création de cette première
formation et les objectifs qui étaient les vôtres ? Vos
influences musicales et thématiques ?
Le
nom Dor Daedeloth a dû être adopté une semaine, la démo est
sortie sous le nom Peste Noire, donc on peut considérer que Dor
Daedeloth n’a jamais existé. Mes influences thématiques venaient
d’un peintre à moustache un peu tendu et mes influences musicales
étaient la scène toulonnaise et NS slave. Concernant les objectifs,
je voulais juste poser le nom du groupe avant que quelqu’un ne le
trouve à notre place, car cette démo est objectivement nulle.
Le
line-up du groupe à cette époque est composé de toi (sous le nom
de Aegnor) mais aussi de Neige (Alcest) à la batterie et Argoth à
la basse (aussi dans Alcest). A l'époque de la fondation de PN, tu
joues aussi dans Alcest, ce qui donne deux groupes au même line-up.
Peux-tu revenir pour nous sur cette époque ? Comment vous
êtes-vous rencontrés ? Comment distinguiez-vous les deux
projets ?
On
habitait dans la même petite ville où il ne se passait rien, donc
on est vite tombés l’un sur l’autre. Au départ il n’y avait
que Alcest. Neige était dans un trip black forestier/scandinave, et
moi je voulais sonner français, sale, cru, moins sublime et plus
haineux, avec une dimension politique marquée, donc la scission
s’est faite naturellement mais sans conflit puisqu’il a joué la
batterie sur toutes les démos.
Aryan
Supremacy nous donne à entendre un Black Metal « true »
et crade, avec des thématiques ouvertement NS. Etiez-vous influencés
par les Légions Noires ? Je pense notamment à Mutiilation ?
Mais je pense aussi à des groupes du Sud comme Blessed in Sin de
Toulon ou In Articulo Mortis d'Avignon ?
Les
Légions Noires et Mütiilation, oui totalement. Pour les groupes du
sud, c’était plutôt Kristallnacht et Seigneur Voland dont je
commandais les productions sur la distro papier Aura Mystique.
Tu
écris les textes et joue la guitare sur la première démo d'Alcest,
« Tristesse Hivernale » dans un genre assez différent,
bien que « raw » également. Peux-tu revenir sur cet
enregistrement ?
J’ai
composé le riff principal de « La forêt de cristal »
plus un autre mais de mémoire je n’ai pas écrit de texte sur
cette démo.
Tu
sors en 2002 « Macabre Transcendance » chez Drakkar Prod,
label emblématique des Légions Noires. Le changement de nom en
Peste Noire vient-il du fait que tu sois originaire de Provence, où
la Peste Noire a si violemment décimé les populations ? En ce
qui concerne la démo vous êtes alors un « duo » avec
Neige, c'est bien ça ? Musicalement on reste dans quelque chose
de très cru et violent, avec ces hurlements lugubres et cette
ambiance mortifère. Peux-tu nous donner ta vision rétrospective de
cette période ? Anecdote, on trouve sur cette démo la version
originale de « 666 millions d'esclaves et de déchets »
que tu reprends sur ton dernier album. Qu'est ce qui t'a donné envie
d'en faire une nouvelle version ?
Meilleure
période de ma vie dans mon rapport au BM, celle où j’avais le
plus la haine, et cette démo en est l’incarnation : un précis
de noirceur totale. Pour moi cette tape
était plus que de la musique, c’était une question de vie ou de
mort. Tout le reste de ma discographie n’est presque qu’un hobby
à côté de la tension que j’ai pu mettre dans cette cassette.
Concernant le contexte, c’était l’époque où on fréquentait
les gars de Drakkar Productions qui étaient de dix ans plus âgés
que nous et qui nous ont posés sur les bons rails : ne pas nous
cantonner au Black Metal mais creuser tous les styles extrêmes
sombres – ce que je continue à faire aujourd’hui avec le rap, la
trap étant un vivier d’instrus sombres. On leur rendait souvent
visite dans leur château (ils habitaient réellement un grand et
vieux château de Pont Saint-Esprit à 5 km de chez moi, anciennement
utilisé pour tourner des films de cul et où les Légions Noires
avaient fait quelques enregistrements, ça te pose l’ambiance).
Noktu nous y faisait découvrir des projets totalement underground
d’indus, de noise, de dark folk etc. On y rencontrait d’autres
Blackeux, les mecs de Nuit Noire notamment (pendant leur période
Black Metal) ; il y avait même une salle dédiée aux
discussions où l’on parlait philosophie, art, projets
extra-musicaux mais toujours en rapport avec le black metal. Je garde
de cette période un souvenir tout à fait magique car tous ceux qui
étaient dans le BM underground à ce moment étaient soient
violents, soient tarés, et le BM les possédait physiquement.
Tu
es vite remarqué pour la qualité de tes textes (étant moi aussi
originaire de Provence, pays de Sade, je ne suis pas surpris). D'où
te vient ce goût des mots et du beau parler ?
Je
suis trop impulsif pour parler posément, avec fluidité et
organisation, les mots se heurtent et se battent dans ma bouche au
moment de sortir, de sorte que je m’exprime comme un handicapé
sous speed. Écrire, ça laisse le temps d’organiser et de
rechercher les mots, c’est une forme de vengeance contre les
défaillances de l’expression orale et spontanée. « Un
bègue est un styliste né. »
(Cioran)
En
2003 sort la démo « Phalènes et Pestilence - Salvatrice
Averse ». L'ambiance moyenâgeuse y devient prégnante. Vois-tu
cette démo comme une nouvelle orientation pour PN ?
Musicalement, les mélodies y sont plus présentes, et le côté NS
beaucoup moins...
C’est
juste une question de contexte. Je suis comme une éponge, je ne peux
pas mentir et m’imprègne toujours de l’univers réel dans lequel
je baigne. A ce moment j’étudiais la littérature médiévale à
l’université et ça a rejailli sur ma musique. Les gens aiment peu
le nouveau Peste Noire car ils y cherchent ce qui n’y est pas –
le terroir – mais il est totalement fidèle à l’univers dans
lequel j’évolue actuellement : les zones délabrées et
périurbaines de Kiev, les immenses ghettos ex-soviétiques. La
partie dégénérée du nouvel album est la bande-son de ce genre
d’endroits, avec une vibe
industrielle et urbaine grise-sale, froide et mécanique, dont
l’équivalent architectural serait le Brutalisme.
En
2006 tu sors un premier album qui est aussi un premier chef d’œuvre.
Encore aujourd'hui, « La Sanie des Siècles » est
considéré par beaucoup comme ton meilleur album. Qu'en penses-tu ?
Si
la majorité des gens décide que c’est le meilleur, c’est que
c’est le meilleur. Je cherche à faire un album différent à
chaque sortie, si bien qu’on puisse difficilement les comparer et
les hiérarchiser entre eux, mais sur la longue durée c’est le
public qui décide, pas moi. Selon les goûts de tout un chacun,
« L’Ordure », « Ballade » ou « La
Sanie » sera le meilleur, mais ils ont peu de rapports entre
eux. Ce qui m’intéresse, c’est expérimenter, et pas de faire
deux fois la même chose. Le plus honnêtement du monde, je serais
capable de faire un « La Sanie » bis en moins de trois
mois, mais ça ne me motive pas. Ou alors quand je serai pauvre.
En
2007 sort l'EP « Lorraine Rehearsal ». Une répétition
enregistrée en Lorraine. Musicalement on est dans la continuité de
l'album, avec une musique complexe et variée, que certains à
l'époque n'ont pas peur de classer « avant-garde ». Toi
tu parles déjà de « Hooligan BM ». Que peux-tu nous
dire de cet enregistrement ?
C’est
juste une répétition de merde en face A et un enregistrement plus
travaillé en face B, mixé par mes soins. La face A est du black
fade sans intérêt, mais la face B est possédée, avec un son
vraiment unique et ancien, une profonde nostalgie, elle justifie à
elle seule ce vinyle. L’aspect très vallonné, décousu et
hétéroclite de la face B vient du fait que j’enregistrais mes
titres sur des disquettes limitées au niveau du temps
d’enregistrement, il fallait que j’enregistre des segments de 3
ou 4 minutes et passe ensuite sur une autre disquette. Je composais
mes titres en conséquence, en anticipant de faire des pauses à
partir de 3 ou 4 minutes, pour reprendre ensuite avec un nouveau riff
sur la disquette d’après.
Arrive
en 2007 ton deuxième album « Folkfuck Folie ». Ce
dernier nous plonge dans des thématiques liées à la maladie
mentale (avec des références à Antonin Artaud) et établit, je
trouve, un nouveau son pour PN, qui préfigure toute la suite. Tu
sors du BM « classique » pour un genre que tu crées,
empreint de sonorités presque punk (au niveau du son) et d'un chant
qui oscille entre pur cri Black et ce chant « dégénéré »
de chanteur français fou que tu vas continuer de développer.
J'adore cet album car il représente une synthèse de vos deux
« ères » musicales. Qu'en penses-tu ?
Pour
moi c’est le plus faible. J’adore l’intro et le dernier titre –
« Paysage mauvais » - qui ont été enregistrés et mixés
séparément par moi, mais l’ingé-son de cet album a littéralement
assassiné le reste de mes compositions avec sa production immonde.
La voix, qui était ultra agressive comme sur « La Sanie »
à la prise, sonne comme de la soupe, c’est un naufrage total. Je
crois que rien n’est plus frustrant que de travailler une dizaine
de textes pendant des mois pour se les faire péter en studio par un
handicapé. Le pire PN pour moi, un lointain mauvais souvenir.
Je
ne veux pas te « psychanalyser » mais tes textes et
l'ambiance de tes morceaux comportent beaucoup de tristesse, une
tristesse qui trouve une issue dans la haine ? Est-ce lié à
l'histoire de Ludovic ou est-ce uniquement un « personnage »
nommé Famine de Valfunde ?
C’est
- ou plutôt c’était - du réel. J’étais triste et angoissé
dans le passé, surtout au regard du devenir de la France. Puis j’ai
découvert l’Ukraine. La France est un pays de vieux croutons sauce
30 Glorieuses qui ont confisqué les richesses et passivement livré
notre sol à un futur cataclysme racial qu’ils n’auront pas, eux,
à assumer. S’il n’y a pas confrontation violente et explosive,
il y aura à terme un abaissement catastrophique du QI (ça a déjà
commencé, personne ne veut assumer cette question mais tout le monde
connaît secrètement l’origine de cette brusque baisse du QI
français). L’Ukraine est un pays certes pauvre, mais ethniquement
préservé (deuxième vérité qu’il ne faut surtout pas dire :
toute société blanche homogène, même pauvre, vit dans une
sérénité, une sécurité et un bien-être mille fois supérieurs à
n’importe quelle société pluri-ethnique, et je te parle depuis un
pays en guerre là). L’Ukraine est aussi un pays jeune, avec un
esprit beaucoup plus combatif, quand les Français sont devenus des
trans. Bien sûr il y a des exceptions, bien sûr il y a les Zouaves
Paris et de vraies résurgences de virilité ici et là, respect et
force à eux, mais ce que je veux dire, c’est que c’est vraiment
minoritaire comparé à l’Ukraine, où ici c’est généralisé à
l’échelle d’un peuple. Les militants français donnent peu aux
jeunes l’envie de les rejoindre ou de les émuler. En Ukraine être
NS, natio, païen, c’est un truc de winner,
c’est stylé, les jeunes veulent en être, ils attirent les filles,
quand l’extrême droite française n’aimante que des trolls des
forêts ou de vieilles filles à problèmes… Encore une fois, je
fais des généralités, j’ai milité avec les gars du Bastion
Social et le mérite de ces jeunes qui se crèvent le cul pour aider
les Français dans le besoin et en échange ne se prendre que les
crachats de la population locale (nous étions 9 contre 1000
manifestants – blancs – à l’ouverture du local BS Clermont :
https://www.youtube.com/watch?v=sN3JRUa4ID8),
plus l’inquisition policière et étatique, est inestimable. Mais
ils restent microscopiques en termes de nombre. Tout en Ukraine m’a
redonné espoir : la jeunesse, son nombre, sa motivation, son
niveau en sports de combat. Sept mois que je suis ici et je suis
devenu straight-edge, j’ai perdu 15 kg, je m’entraîne tous les
jours avec des gars qui me tirent vers le haut. Je ne dis pas ça
pour me vanter mais pour expliquer qu’ayant baigné depuis toujours
dans la culture de bistrot, ce n’était pas gagné, et que donc toi
aussi, petit Français pilier de bar et gavé d’andouillette, tu
peux obtenir mon corps de dieu grec en venant en Ukraine, non pour
baiser des putes mais pour transpirer tout ton vin avec des gars
d’Azov ou des hools du FCDK. Pourtant, mes racines sont en France
et je ne pourrai jamais lâcher totalement mon pays. J’adore la
France pour son passé, son patrimoine, son Histoire, et l’Ukraine
pour son avenir ; donc vivre entre les deux est un bon
compromis. Et sachant que je suis sur une ligne pan-européenne et
non chauviniste, je ne vois pas le souci que certains esprits
étriqués y voient. Jamais une seule seconde en Ukraine je ne me
suis senti comme un étranger. Quel Français peut-il dire qu’il ne
s’est jamais senti étranger en France ?
Redistribution de nourriture par le Bastion Social à Clermont-Ferrand
Changement
total de musiciens avec « Balade cuntre lo anemi francor »
en 2009. Neige est parti, ainsi que Winterhalter (qui joue avec lui
dans Alcest). Vous êtes-vous brouillés à partir de cette époque ?
S'éloignant quelque peu de « Folkfuck folie », cet album
renoue avec l'aspect médiéval de « La sanie ». Les
mélodies y sont splendides, tout autant que la noirceur
omniprésente. Les guitares, parfois dissonantes, sont toujours plus
surprenantes. Tu es un excellent guitariste. As-tu appris sur le
tas ? Peux-tu revenir pour nous sur cet album ? Quel en
était le propos ?
En
fait, Neige joue la basse sur « Ballade », il avait juste
pris un pseudo pour ne pas se griller politiquement, ce qui en soi
était noble de sa part, je veux dire : de juste jouer pour la
musique et non pour les lauriers, sans s’afficher. L’histoire de
cet album est simple : je ne supportais plus mon batteur, il
prenait PN pour Slayer ou Metallica et il n’arrêtait pas de me
parler de dépolitiser PN pour devenir maintsream et gagner de
l’argent. Pour souffler quelque temps, j’avais créé un
side-project sans nom, juste pour me faire plaisir, tranquille de
mon côté : l’album a été composé en trois semaines et
enregistré/mixé en moins d’une semaine par moi-même, comme une
démo. C’était « Ballade ». Quand j’écoutais
l’album, je trouvais qu’il sonnait encore plus PN que les deux
précédents PN. J’ai donc pris la décision de non pas changer de
groupe pour cet album, mais de changer de batteur pour Peste Noire.
Ce
qui est « marrant » avec PN c'est que, même si vous êtes
dans le collimateur de certains (Antifa et autres), ceux-ci ne
peuvent pas vous attaquer sur la qualité de la musique. J'ai même
lu un « billet » sur internet relatant un de tes
concerts, ou le mec essayait de flinguer les autres groupes mais ne
pouvait que s'incliner devant votre prestation. Ce ne te fait pas
rigoler ?
Ce
que tu dis existe mais je pense qu’il ne faut pas abuser car dans
80% des cas c’est exactement l’inverse qu’il se produit :
les gens se vengent des idées en attaquant la musique. C’est
particulièrement flagrant avec le dernier. J’ai écouté ce qu’il
s’est fait en 2018 et avec toute la modestie possible, on plane
encore au-dessus de la masse, tel un Aigle Royal au-dessus des
gerbilles. Dans le futur, le dernier album sera révisé à la
hausse, je n’ai aucun doute là-dessus. Aujourd’hui « Folkfuck
folie » et « L’Ordure » sont sacralisés, mais
personnellement je me marre car quand ils sont sortis, ces albums se
faisaient descendre et très violemment, « L’Ordure »
étant comparé à du Finntroll. A l’époque j’avais mal reçu
ces critiques, mais aujourd’hui que je sais que 95% de la scène
Metal/BM a un QI d’hamster et sont les pires clodos en matière
d’esthétique, ça m’en touche une sans faire bouger l’autre.
Comment prendre au sérieux les goûts de gens qui s’habillent en
rangers et en perfecto en portant des t-shirts trop larges ? LOL. Je
pense qu’il est vraiment dur de satisfaire nos auditeurs
aujourd’hui car quand ils n’attaquent pas la musique pour se
venger des idées, ils attendent beaucoup trop de nous. Nos fans sont
de vieilles salopes frigides, ils ont eu trop d’orgasmes à chaque
sortie d’album, et maintenant que leurs oreilles sont dilatées par
des kilomètres de riffs sublimissimes, ils nous reprochent de ne
plus les faire jouir. On a matrixé toute la nouvelle scène
française, tout le monde me vole mes idées, donc c’est qui le
Maître ? C’est qui l’expert ? C’est vous, ou c’est
moi ? Si j’avais un conseil à donner à mes fans ce serait :
premièrement de se suicider, deuxièmement, de ne juger un album de
PN que dix ans plus tard, car vous vivez, mangez, sentez, jugez mes
oeuvres avec une cervelle rouillée qui date de 1993, alors que moi
je suis déjà en 2088. Honnêtement, comment peut-on statuer que PN
est mort quand on est encore capables de produire des titres comme
« Aux armes ! », « Songe Viking »,
« Aristocrasse » et « Domine » ? A un
moment il faut arrêter la drogue.
« L'ordure
à l'état pur » est un condensé de haine noire. A sa sortie
en 2011 on est surpris par la direction, qui quitte les rivages
médiévaux du précédent pour une ambiance plus contemporaine, même
si le but est clairement de cracher sur la modernité et l'urbanité.
Peux-tu nous parler de cet album et du message qu'il cherche à faire
passer ? Musicalement, l'alliance des cuivres et des guitares
heavy/punk fait mouche ! Le line-up change encore. Des
difficultés à garder des musiciens ?
Expérimenter
de nouvelles formes et de nouveaux styles de jeu implique parfois de
changer de musiciens. Mais la moitié du temps, c’est la politique
qui m’empêche de les garder. Les gens qui ont une carrière
professionnelle publique à tenir se grillent trop violemment avec
PN, donc tôt ou tard ils se cassent d’eux-mêmes. Concernant
l’album en lui-même, je le considère comme une de mes plus
grandes réussites. Il est le fruit de la rencontre entre mes idées
les plus folles avec l’ingé son idéal. Tu peux arriver en studio
avec des compositions vraiment ouf et avoir de la chiasse à
l’arrivée. La production fait 40% du taf, surtout dans le BM où
l’atmosphère prime. Non seulement le son sur « L’Ordure »
est un havre sonore, un parfait mix entre du punk, du vieux Hard Rock
et du BM, mais chaque fois que je proposais une idée totalement
barrée, le gars me répondait : « oui
c’est possible »,
comme Hassan Cehef dans le sketch des Nuls, et hop, il la
matérialisait. Une de mes meilleures expériences.
Après
une réédition des démos du groupe en 2012, vous sortez l'éponyme
Peste Noire en 2013, avec toujours Audrey au chant (déjà présente
depuis « Ballade... ») et Ardraos à la batterie
(Charogne, Sühnopfer). C'est, à ma connaissance, la première fois
qu'on entend des beats programmés dans PN, non ? Cet album est
d'une grande diversité, avec des parties instrumentales vraiment
originales, et ce chant que tu trimbales depuis, à cheval entre le
Black et le Rap rural. Ton écriture a évolué aussi vers un ton
plus cru, est-ce dû à l'influence du Rap ? Ton regard sur cet
album ?
Oui,
c’est clairement dû à l’influence rap. J’aime beaucoup
l’ambiance de cet album car il pue l’Auvergne profonde, avec une
production de punk à chiens, au son de poubelle rouillée. C’est
un album avec un son de démo, j’adore ce genre d’approche.
Qu'est-ce
qui t'a poussé à quitter la Provence pour l'Auvergne ?
Le
climat, la végétation, la solitude volontaire. J’avais besoin de
m’immerger dans un environnement nordique et sombre – j’ai été
servi. Les environs de La Chaise-Dieu sont glaciaux, vides, peuplés
d’immenses forêts de sapins, tous les villages sont morts, fermés,
à vendre, en ruine. Et ça ne date pas que de maintenant : au
19ème
siècle, Georges Sand en faisait une description extrêmement
sinistre. En 1931, Henri Pourrat dans Gaspar
des montagnes,
décrivait ainsi la zone où se trouve ma maison : « Il
y a des endroits où le soleil semble n’avoir point percé depuis
des mondes d’années : c’est sombre, c’est noir, c’est
la mort ».
Pour avoir passé un hiver complet en Ukraine, je peux même
t’assurer qu’en température ressentie, il fait bien plus chaud
ici qu’à La Chaise-Dieu, où il peut neiger en Mai. C’est assez
drôle car j’avais reçu le chanteur de TEMNOZOR à La Chaise-Dieu,
qui vient de Sibérie lui, et il était choqué par la dureté du
climat casadéen. C’était l’endroit parfait pour composer
« Peste Noire » et « La Chaise-Dyable », et
sans doute d’autres albums à l’avenir.
Suit
en 2014 l'excellent split avec Diapsiquir « Rat des Villes/Rat
des Champs ». On y trouve un immense « tube » de
PN, « Dans ma nuit », un vrai chef d’œuvre. Que
penses-tu de ce split avec le recul, et de Diapsiquir ?
La
version de « Dans ma nuit » est plus crue et poisseuse
sur ce split que sur La Chaise-Dyable, plus clochardesque dans le bon
sens du terme, mais la voix est trop noyée, ce pourquoi j’avais
ré-enregistré le titre. Le titre de Diapsiquir est bon mais leur
production horrible. Pour Diapsiquir, j’adore « ANTI »
mais leur dernier album, à l’exception d’un titre, est une merde
sans nom. « ANTI » étant un chef-d’œuvre, ils ont
trouvé le nom parfait au successeur en l’appelant « 180
degrés ».
« La
Chaise Dyable » débarque en 2015 et commence un vrai jeu de
massacre des « critiques musicaux » autoproclamés qui
décident que PN c'est mort. En vrac, on te reproche d'être devenu
vulgaire, de te répéter musicalement. Personnellement ce n'est pas
du tout mon avis car je trouve cet album parfait comme il est, dans
le sens de la marche de votre évolution. « Le dernier Putsch »
est une merveille, et l'album contient en lui une mélancolie
contagieuse et les premiers germes plus franchement rap que l'on va
retrouver en surmultiplié sur le dernier album. Comment vois-tu cet
album ?
Honnêtement
je m’en fous. C’est fait, c’est fait. J’aurai peut-être du
recul dans dix ans. Je pense que « Le Dernier putsch »,
« A la Chaise-Dyable » et « Dans ma nuit »
sont des bombes atomiques, mais le reste, ça aurait pu mieux sonner
avec une production plus adaptée et des arrangements différents.
Concernant le fait que PN meurt à chaque album, il est étrange de
mourir en faisant toujours plus de vues et de ventes, mais si c’est
cela mourir, eh bien, je vais continuer à me suicider.
2018 :
Peste Noire/Peste Noire le split. Je te le dis franchement : je
le considère comme votre meilleur album à ce jour, tant j'attendais
avec impatience ce que tu fais sur la face B du disque, ce mix
incroyable de Rap, Chanson française et Black Metal parfait. Nous en
avions discuté par mail à l'époque de « Peste Noire »
et cela te trottait déjà dans la tête. D'où t'es venu ton goût
pour le rap ? Quels artistes apprécies-tu dans ce genre ?
J'ai pensé à Booba, Seth Gueko... Je suis à côté de mes pompes ?
Seth Gueko non, à part sa
chanson « Démarrer ». Booba, pour jusqu’à « Ouest
Side ». J’adore encore son écriture mais musicalement après
« Ouest Side » j’ai trop de mal. En ce moment j’écoute
beaucoup le rappeur allemand Gzuz et les titres les plus agressifs de
6ix9ine, plus
énormément de rap slave, pour la boxe et le sport c’est le pied.
Mon goût pour le rap m’est venu vers 2006 quand je vivais à
Avignon, ville la plus dangereuse de France à ce moment selon les
stats, car cette musique reflétait le monde que je voyais au
quotidien. La partie rap de l’album, dite « « dégénérée »,
était prête il y a trois ans ; j’ai eu plein de problèmes
pour sortir l’album et mon principal regret est qu’il ne soit pas
sorti avant, car les titres black/trap auraient eu un impact plus
révolutionnaire il y a trois ans. Aussi, le fait que le rap soit une
musique totalement actuelle et utilise un champ lexical nouveau plus
des façons inédites de parler, régénère la poésie française.
Tout ce qui pouvait être fait de beau avec les mots anciens a déjà
été fait. J’apprécie la liberté, la malléabilité et la
fraîcheur qu’apporte le rap à la langue française. Quant à ceux
qui pensent que c’est anti-traditionnel et anti-européen, le
graphiste de Militant Zone me faisait remarquer que les battles
de rap existaient déjà dans les concours de poésie viking, où il
fallait improviser un texte oralement pour moquer son adversaire,
chose qu’on retrouve aussi d’une certaine manière chez les
troubadours français dans ce qu’on appelait les Puys, villes où
se pratiquaient des concours de poésie orale.
Ce dernier album est une
co-production entre ton label, La mesnie Herlequin, et le label
russo-ukrainien Militant Zone. Comment en es-tu venu à collaborer
avec eux ? Quelle vision vous rapproche ?
En 2006 je pensais inventer le terme d' Hooligan black metal car je n'avais jamais écouté Grand Belial's Key et je ne savais pas qu'ils l'avaient inventé avant moi. Je n'aime pas spécialement le foot mais pour moi les hooligans est-européens sont les nouveaux arditi. L'Ukraine doit être le seul pays où le BM s'infuse réellement dans le milieu hooligan, en partie grâce à MZ. Depuis les débuts de PN, j'ai toujours défendu la vision d'un BM devant s'incarner dans le réel, mêlant Art et Violence comme les troubadours mêlaient le maniement des armes à la pratique de la poésie. Alexey de M8L8TH a quelques dérapages à son actif (meurtres), c'est un poète et un militaire de métier, en termes de street cred je crois qu'on peut difficilement faire mieux. Les gens ragent devant le clip du "Dernier Putsch" mais les kalachs, ce sont des vraies, et les mecs qui les ont dans leurs mains savent s'en servir, contrairement aux rappeurs dans leurs clips...Le graphisme de MZ, aussi, est démentiel. Ensuite, je ne peux pas m'étendre sur ce qui relève du privé mais le crew M8L8TH/MZ m'a sorti de la merde plusieurs fois quand j'y étais. Ce sont des gens loyaux et de confiance, expérience à l'appui.
Le
meilleur album de Peste Noire ?
Les
démos.
Tes
écrivains préférés ?
Moi.
Le
26 Janvier à Colmar, Dunkel de SALE FREUX, groupe que tu as lancé
avec ton label La mesnie Herlequin, a brûlé un t-shirt de PESTE
NOIRE sur scène, en lançant au public : « on n’est pas
des fachos ! » Ta réaction ?
Je
commencerai par dire que quand je l’ai « signé » en
2013, il était bel et bien nationaliste français, mais ayant vite
compris qu’il était plus con qu’un balai, j’avais pris mes
distances vers 2014, donc quid
de ce retournement de veste ? Ce fils de salope a récupéré
tous les thèmes de ma musique. J’ai dit « fils de salope »
mais j’aurais dû dire « fils de Seigneur », car je l’ai
enfanté. Sans PN, Sale Freux n’existerait même pas. Je dois
encore avoir quelque part les lettres d’amour qu’il m’écrivait
en 2010, et auxquelles je ne répondais pas. Alors plutôt que de
brûler un t-shirt, j’invite n’importe quelle personne étant en
contact avec cette avaleuse de foutre à lui proposer un combat
filmé. En vrai, je sais d’avance que ce gros sac à vin qui a la
cardio d’une carpe hors de l’eau, refusera ; mais son refus
rendra d’autant plus ridicule le fait qu’il a brûlé un t-shirt,
sachant lui-même qu’il ne peut aller plus loin. J’entrerai ainsi
dans la plus pure tradition française des combats qui font beaucoup
de bruit mais n’auront jamais lieu (Soral/Raptor, Kaaris/Booba).
Un
mot à tes détracteurs ?
Merci.
Si,
d’un point de vue factuel, on est l’un des groupes de BM qui fait
le plus de vues sur Youtube, pour des motifs politiques, quasiment
plus aucun média n’est autorisé à parler de nous (et au passage,
merci à toi d’avoir eu ce courage). Nous sommes tel Voldemort :
celui dont on ne doit pas dire pas le nom. Or les seuls qui
continuent à nous faire de la pub en parlant obsessionnellement de
nous, en partageant la pochette du dernier skeud partout parce qu’ils
sont outrés, ce sont nos détracteurs, et rien que pour ça, je leur
dois un grand merci ! Avant Peste Noire, les gens payaient pour
avoir de la publicité. Pour nous les antifa se prostituent
gratuitement.
Je
réitère l'offre que je t'avais faite en 2015, si tu es intéressé
j'aimerais travailler avec toi sur un livre sur Peste Noire et je
crois qu'il y a largement matière ! Qu'en dis-tu ?
Quand
j’aurai 90 ans si tu veux. Pour l’instant place à la musique.
Merci
Famine:)
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