Nouvelle Interview/New Interview - NON SERVIAM/HIVERLUCIDE/BIOLLANTE : Anarchy In The Dark ! - Texte Français/English text
Bonjour à vous, Void et Moon, vous êtes membre s des projets Non Serviam, Biollante et Hiverlucide qui composent un collectif anarchiste et antifasciste et tourné vers l'expérimentation tous azimuts, qu'il s'agisse de BM avant-gardiste pour Non Serviam, de Rap Indus/Punk Rap pour Biollante, ou de Noise drone industriel et expérimental pour Hiverlucide. Pouvez-vous nous en dire plus sur la naissance de ce collectif fascinant et des divers projets ?
Void : A la base c'est moi tout seul dans ma chambre qui fait du son, au départ très electro faute d'instruments puis par goût (il y a un premier album qui en témoigne sur notre bandcamp, « Un petit peu d'amour pour la haine »), sans aucune ambition et sans avoir le temps d'en avoir. Ma vie était alors très mouvementée et je n'avais pas de temps à consacrer à la composition. J’étais dans des trucs « militants » que je considérais comme plus importants à l’époque et qui prenaient à peu près 90% de mon temps (et parfois 100%, involontairement, si tu vois ce que je veux dire...). Quelques années plus tard tout cela s'est ravivé avec un peu plus d'ambition cette fois, et du temps à y consacrer. C'est comme ça qu'est né le Non Serviam très BM/Indus, que tu connais aujourd'hui, avec Moon à mes côtés qui chante et joue principalement du clavecin et des claviers. C'est devenu un véhicule d'expression à la fois personnel et dirigé vers le monde avec beaucoup de négativité, et, du coup, beaucoup de moi-même, mais avec une certaine pudeur. Ce qui explique, en plus des questions techniques, que Non Serviam n'est pas destiné à se produire en public en tant que tel.
Biollante est un projet bien différent qui est né lorsque j'ai proposé à une jeune bande de rappeurs un peu sauvages de rapper sur un instru qu'on a fait collectivement avec une douzaine de camarades pour dédier un morceau à un pote qui était incarcéré et sur lequel il a pu poser son couplet en sortant, puis un autre morceau pour un autre pote incarcéré, et ainsi de suite. Puis on s'est rendu compte qu'on avait envie de faire des morceaux et d'aller foutre le feu partout avec, alors un premier album est né.
Hiverlucide c'est un duo taillé pour le live et basé sur l’improvisation à deux, claviers/guitare, diverses machines et quelques voix. Les enregistrements se font sous la même forme que ce qu’on produit sur scène, avec très peu de traitement ensuite. Hiverlucide prend les choses par un autre bout, à la fois plus incarné et plus abstrait.
L'engagement politique est très puissant chez vous, et il se percute avec la poésie des textes, qui parfois frôlent l'abstraction. Comment voyez-vous le collectif d'un point de vue philosophique et idéologique ?
Void : D'un point de vue philosophique je dirais que le collectif est à la fois anarchiste et existentialiste, avec un refus des transcendances artificielles et une tension forte vers les transcendances réellement vécues. Mais ce sont les personnes qui composent le collectif qui sont anarchistes, la musique, elle, elle est ce qu'elle est. Je ne saurais pas trop dire. Ce que je peux affirmer c'est qu'elle est produite par des révolutionnaires, et que cela change quelque chose, probablement, à la manière dont c'est fait, pensé, produit, etc. La plupart du temps (pas quand on reprend un vieux chant anarchiste bien sûr), on ne cherche pas à donner une coloration politique ou philosophique particulière à la musique ou même aux paroles, c'est ce qui vient et ça vient comme ça parce que c'est ce qu'on est. J'ai pas fait grand chose d'autre dans ma vie que de lutter pour la diffusion des idées et des pratiques anarchistes, alors j'aurais eu bien du mal à faire une musique qui lèche le cul du pouvoir. Aussi, quand t'as la tête dans le guidon, ben t'as envie de chanter, penser et vivre autre chose, en réalité. Je vois des groupes faire des espèces de cosplay anarchistes avec un maximum de clichés du folklore, ces mêmes clichés que les anars que je connais ne supportent plus depuis longtemps, et se demander quel riff permettra de sonner le plus révolté possible pour poser dessus ses lyrics en forme de slogans. Bon, vu de là où on est, on accorde pas beaucoup de crédibilité à ce genre de politisation dans les scènes musicales. C'est souvent des histoires de pins, d’esthétique et de folklore. Les camarades qui luttent réellement n'ont, quoi qu'il arrive, pas le temps ni l'argent de partir en tournée mondiale, ou alors leur combat est seulement discursif : ils font des posts, ils écrivent des poèmes. Mais les combats politiques perdent leurs temps dans la virtualité, leur place est devant les prisons et les tribunaux, dans les émeutes et les attaques qui secouent l’État et le capitalisme, dans la guerre sociale. Les guerres culturelles sont vaines et ne nous intéressent pas, en tout cas d'un point de vue politique. Notre musique n'est pas militante en tant que telle donc, c'est nous qui le sommes, et parmi toutes nos activités, ce n'est certainement pas avec des groupes de musiques extrêmes et inécoutables pour la plupart des gens qu'on va faire triompher les idées anarchistes, et surtout c'est probablement plus un exutoire aussi de nos activités politiques plutôt qu'une d'entre elles. Les groupes qui considèrent que leur activité militante est leur groupe de musique ne sont pas, pour nous, des militants, et c'est pas grave, on s'en tape en réalité, mais la lutte c'est pas dans des concerts que ça se passe. Les gens qui se prennent pour des grands révolutionnaires parce qu'ils chantent « ACAB » dans des caves devant 30 personnes sont probablement un peu psychotiques, et c'est tant mieux pour elles, nous on a pas cette chance.
Moon : je dirais que la politique est première, pour chacun de nous, d’ailleurs c’est d’abord par la politique qu’on s’est rencontrés, la volonté d’intervenir pour détruire ce monde, ce qui n’empêche pas que la musique puisse avoir un caractère plus essentiel, moins contingent, elle ne dépend que de nous et de notre intensité créatrice. C’est une différence radicale, je pense, le fait d’être inscrit dans une contingence. Si on faisait de la politique comme on fait de la musique, ce serait sans doute plus pur et plus satisfaisant de manière abstraite, mais ce serait aussi très vain. Effectivement faire de la musique en étant révolutionnaire change sans doute des choses dans la manière d’aborder la musique, puisqu’on fait cette musique avec ce qu’on est et avec nos expériences qui sont pour l’un comme pour l’autre très marquées par la politique, mais jamais on n’a considéré la musique comme un moyen parmi les autres de faire valoir nos idées ou d’intervenir dans ce domaine. Pour la philosophie, c’est un peu différent, je pense que les albums d’Hiverlucide, Biollante et Non Serviam comportent de quoi nourrir les auditeurs au niveau esthétique, sans doute aussi au niveau éthique, je crois qu’on a en commun la recherche d’une certaine fécondité à ce niveau là, donner à écouter, à ressentir, à réfléchir, à partir de ce dont on s’est nous même nourris, sans autorité aucune sur ce que ça devient chez ceux et celles qui tendent l’oreille, évidemment, mais dans l’espoir que quelque chose dans tout ça les touche, et que ça devienne autre chose qui leur appartient, et ainsi de suite. C’est ce qu’on peut souhaiter de meilleur à l’« Art », il me semble, plutôt que de l’asservir à je ne sais quelle cause, aussi pertinente soit-elle en elle-même, ou de le réifier dans des musées ou dans des sphères culturelles séparées de la vie réelle, c’est de se diffuser, de s’amplifier, de se transformer par capillarité, de ceux qui le font à ceux qui le reçoivent.
Prenons chaque projet séparément : Non Serviam veut dire « Je ne servirai pas » et on retrouve cette locution dans la bouche de Satan/Lucifer qui s'oppose à Dieu. S'agit il pour vous d'une métaphore de l'anarchisme se dressant face à une société autoritaire ? D'ailleurs, de quelle « école » de l'anarchisme vous sentez-vous les plus proches : l'anarchisme individualiste de Stirner, l'anarchisme collectiviste de Bakounine, le communisme libertaire (Malatesta, Cafiero) dont le drapeau rouge et noir a repris pas mal de couleurs ces dernières années ?
Void : Oui le refus satanique est bien évidemment comparable en tout point au refus anarchiste. Satan et les anarchistes se sont tous affirmés en premier lieu par un refus, par la négativité. La figure positive de Satan tu la retrouves d'ailleurs chez de nombreux théoriciens anarchistes, dans les textes de Bakounine, chez Joseph Déjacque et plein d'autres (même chez cet imbécile de Proudhon). En 1883 au Kansas t'avais même un journal anarchiste qui s'appelait Lucifer, The Light-Bearer dans lequel écrivaient des anars comme Emma Goldman et Voltairine de Cleyre. Bref, les correspondances sont nombreuses, et on n'est pas les seuls et encore moins les premiers anars à se réapproprier la figure du diable.
Pour ce qui est de la seconde partie de ta question, on va dire que j'explore une synthèse peu courante entre les pensées de Stirner et Bakounine, une sorte d'anarchisme individualiste ET révolutionnaire. J'ai globalement un penchant anar individualiste depuis quelques décennies maintenant, mais pas ces individualistes éducationnistes qui étaient en fait les ancêtres des alternos, avec leur nudisme, leurs régimes alimentaires, leurs trucs moraux à la con, non, ceux qui ont pris les armes, qui ont théorisé et pratiqué la guerre à la société, les illégalistes. Un individualisme qui n'aurait rien à voir avec la déconstruction, le développement personnel ou tout autre forme de narcissisme libéral, un individualisme de combat (tel que défendu par exemple par Aviv Etrebilal, Feral Faun, Novatore, etc.). Puis par filiation trans-historique, il y a aussi l'Autonomie en faisant un détour par l'insurrectionalisme italien moderne (Bonanno, Porcu, etc.).
A propos des drapeaux rouges et noirs qui auraient repris des couleurs, j'en suis pas sûr. Je vois surtout des offensives politico-marketing bien bourrines des partis d’extrême gauche (principalement LFI et NPA) pour récupérer l'anarchisme et le délaver de toute sa subversion. Ca avait commencé avec un bouquin de Besancenot, qui sous prétexte de prôner l'amitié entre le rouge et le noir (Besancenot RABM?), avait en réalité théorisé la récupération de l'anarchisme par certaines franges du gauchisme parlementaire français (en l’occurrence les trotskistes). Rappelons qu'historiquement, les anarchistes ne considèrent pas la gauche et l’extrême gauche (même extra-parlementaire) de l'Etat et du capital comme leurs alliés, mais comme les alliés (de gauche) de l'Etat et du capital. Alors on se retrouve avec des petites armées merdiques d'anarchistes cosplay qui ne font qu'appeler au vote et rabattre pour des partis, mais sous pavillon rouge et noir. Un naufrage inimaginable il y a encore 10 ans. Un luxe dont les partis n'avaient jamais bénéficié auparavant. Nous on faisait la guerre aux partis et aux syndicats. A leurs services d'ordres. Il s'est passé des trucs graves. On oublie rien de tout ça, on ne bossera jamais politiquement avec ces crapules. De notre côté on continue de porter modestement et à notre échelle la flamme d'un anarchisme non folklorique, et qui ne serait pas une vitrine un peu sexy pour amener les gens à voter pour des candidats de la gauche ou de la droite de l’hémicycle. Comme on dit souvent, Auguste Vaillant est bien la seule personne à être entrée au parlement avec de bonnes intentions.
Moon : le geste primal de révolte qu’on retrouve narrativisé dans le refus de Satan ou dans le vol du feu de Prométhée est d’abord un geste de destruction du pouvoir, exemplifiant la possibilité de la destruction de tous les pouvoirs, c’est une conflictualité radicale qui est le point de départ de tous les possibles, de toutes les expérimentations. Satan est bien autre chose que le premier révolutionnaire, mais par contre c’est sûr que les perspectives révolutionnaires commencent dans un refus de ce type. Non Serviam c’est aussi le début du matérialisme, le refus de l’asservissement religieux de l’intérieur même de la narratologie biblique, c’est la première déviance, la première « faute » et hors de la déviance on voit pas comment il peut y avoir de l’expérimentation et du « nouveau ». C’est un cri de révolte et de vie dans un paysage de fin du monde, le cœur qui bat encore.
Toujours avec Non Serviam, comment en êtes-vous arrivés à cette musique inclassable, d'une grande liberté, ce black metal d'avant garde, les idées libertaires là aussi vous ont guidé ou la musique est venue seule de cette façon ?
Void : Si on parle vraiment du cœur de la musique, alors la provenance est clairement musicale. Je suis affamé de musique depuis un très jeune age, et j'ai touché à tous les instruments qui se trouvaient à côté de moi jusqu'à finir par enfin en posséder. Mon rapport au disque, aux albums, aux chansons est très particulier (comme tout passionné), je veux dire que c'est probablement pas le même que le tien, parce qu’on a tous une approche individuelle de l’écoute. Est-ce que t’écoutes plutôt la basse et la rythmique, les guitares et la mélodie, l'harmonie, les lyrics, la dissonance, la douceur, l'agression, la punition, la récompense, la complexité, etc. Ça passe dans le creuset de chacun. Mon mélange à moi est difficile à décrire, mais il est le produit de passions adolescentes pour des groupes aussi divers que Darkthrone, Gorgoroth, Neurosis, Merzbow, Isis (jusqu'à Panopticon), Buried at Sea, Amen Ra, Catharsis, Botch, Paysage d'Hiver, Throbbing Gristle, His Hero Is Gone, Agoraphobic Nosebleed, Nasum, Sigh, Burnt By the Sun, Playing Enemy, Orchid, Shellac, Overmars, Pj Harvey, Cat Power, Noir Désir, Chokebore, Dillinger Escape Plan (des débuts), etc. La plupart du temps je m'en rend compte après coup que tel ou tel riff, tel ou tel plan, idée structurelle, provient de tel ou tel groupe, que j'ai grandi et évolué en même temps que des labels comme le Relapse Records des années 90/2000, Hydrahead Records, que j'ai grandi avec une scène hardcore sur laquelle régnait des groupes comme Kickback ou Arkangel, une scène BM dans laquelle l'obsession des uns et des autres était de rester trve et de ne pas avoir de claviers, que je me suis pris la noise, l'indus et le drone en plein dans la gueule à un certain moment de ma vie, ou la musique baroque quand j'ai rencontré Moon (peu avant de composer « Le Cœur Bat »), etc, etc. Bon voilà, tout ce que je te dis là, moi je l'entend quand j’écoute ma musique, c'est forcément pas le cas de tout le monde. Le seul endroit où les idées influent un peu sur la composition c'est probablement dans certains choix un peu rupturistes, et dans la volonté consciente (elle) de ne jamais se retrouver en vieux trimards d'un genre, à tourner autour d'une stylistique monocorde, c'est pas une critique j'aime plein de groupes comme ça, mais on sera jamais Motorhead ou Nasum. J'aime quand ça profuse, quand c'est bigarré et contre-réactionnaire, quand ça surprend, quand ça punit, et j'ai grave la haine, alors ça fait composer différemment, j'imagine.
Moon : pour moi qui venait au niveau de la pratique musicale d’un parcours plus classique (en l’occurrence plus précisément baroque puisque je suis claveciniste), c’est effectivement quelque chose comme la possibilité d’une immense liberté musicale que j'ai rencontré en rencontrant Void et ses particularités d'autodidacte. Ouvrir le black metal au clavecin, avec ses techniques de jeu, ses ornements alambiqués, ses harmonies particulières a ouvert plein de possibles, y compris au niveau du jeu lui-même, et je pense qu’il nous reste encore beaucoup à explorer. Ce que je trouve « libertaire » pour reprendre ta question, c’est pas des trucs qui seraient transposés de la politique à la musique (on n’est pas un groupe autogéré et on ne pratique la démocratie directe ni en politique, ni en musique !), c’est plutôt la perspective expérimentale, le fait d’accepter de ne pas savoir exactement où tout ça va nous mener, et d’aimer ça sérieusement, de partir d’un riff et de le développer dans plein de sens qu’on imaginait pas avant de le faire, ce qui a donné à l’extrême la forme entièrement improvisée qu’a pris Hiverlucide par exemple. Pour Non Serviam, c’est un peu autre chose, le fait que la composition finale se fasse à partir de multiples couches traitées a posteriori permet d’être très libre au moment de proposer des pistes, des bouts de chant ou de clavier, et qu’ensuite Void donne forme aux chansons à partir de ces propositions.
Concernant les trois projets quelles sont vos influences musicales, littéraires, cinématographiques et artistiques ?
Void : Je vais faire la réponse de geek. Pour les influences de Non Serviam j'ai plus ou moins répondu dans la question précédente. Pour Biollante on peut citer Death Grips, IC3PEAK, Atari Teenage Riot, Techno Animal, The Bug ou Scorn au niveau des instrus, des compos, etc. Mais les rappeurs niveau flow et lyrics, j'aurais peur de te dire des conneries car ils sont très pointilleux, mais globalement des rappeurs récents et français. Pour Hiverlucide, on peut très principalement citer Sunn O))) et Merzbow, la musique spectrale, l'esprit baroque de la basse continue mais aussi des groupes comme Brighter Death Now, Throbbing Gristle, Darkspace, Tangerine Dream, la Kosmische Musik, etc.
Niveau littéraire, je ne sais pas à quel niveau ça se retrouve dans les musiques mais j'ai beaucoup découvert la littérature avec des classiques. Mary Shelley, Poe, Baudelaire, Rimbaud, Zweig, Bukowski, Hugo, Sade, Huysmans, Mirbeau, Darien, mais j'ai surtout lu (et parfois traduit) des trucs politiques (Stirner, Bakounine, Perlman, Novatore, Libertad, Zo d'Axa, Bonanno, Landstreicher, Feral Faun, etc.) et de la philo (Stirner, Nietzsche). Mon romancier favori est probablement B. Traven.
Niveau cinéma je suis un grand passionné alors je vais pas rentrer dans les détails au risque d'emmerder tout le monde. J'aime des réalisateurs aussi divers que Tsukamoto, Malick, Kitano, Bong Joon Ho, Aster, Kollek, Bergman, Noé, Waters, Lynch, Scorcese, Fulci, Cronenberg, Corneau, Jarmush, Loach, Egoyan, Miike, Vinterberg, Korine, Clarke, etc.
Moon : Pour prendre la question par un autre bout que les influences plus précises que Void a énumérées, et se placer plutôt au niveau esthétique, je pense que Non Serviam et Hiverlucide sont fondamentalement des groupes influencés par le baroque, par exemple à travers la recherche de la profusion, un certain « aventurisme » (comme diraient les trotskistes des anarchistes…), l’horizon sombre et mélancolique surtout. Il y a aussi quelque chose de symboliste dans le fait que tout est fait pour que le sens se dérobe (Dans « Salem », Void criait : « Je t'asperges de sens »!), que rien ne soit en lumière crue, et on retrouve un attrait partagé pour les textes de poètes comme Michaux, Verlaine ou Maeterlinck qu'on a d'ailleurs mit en musique avec Non Serviam. Mais ces esthétiques qu’on peut dire l’une comme l’autre assez maniérées se mêlent à de forts effets de réel, à travers les samples utilisés qui vont projeter tout à coup la voix de jeunes suicidaires des années 70 comme dans « Pourquoi Pas » de Biollante, ou une femme décrivant ce que le travail fait à son corps et à sa vie dans le mini-album concept « Work », etc. C’est un des aspects de l’hybridation qu’on peut retrouver dans ces 3 projets à bien des niveaux, encore au-delà des mélanges de genres musicaux (Hip Hop, Indus et Metal dans Biollante par exemple) qui font une partie de la singularité de chacun d’entre eux.
Cette interview sera utilisée dans un livre que je suis en train d'écrire sur le RABM (Red Anarchist black metal) . En tant qu'antifascistes vous sentez vous proches de ce mouvement ? Et si oui quels groupes de RABM vous appréciez le plus ?
Moon : pour le coup en elle-même la question que tu poses ne me semble pas si compliquée : oui, évidemment qu’on se sent proche de ce mouvement, et qu’on considère même en faire partie et y contribuer, tout simplement parce que comme dans tous les autres aspects de notre vie on ne veut rien partager avec des fafs, et que le RABM est l’aire depuis laquelle il est possible de lutter contre aujourd'hui. C’est après que ça devient plus compliqué, qu’est-ce que ça veut dire lutter contre l’extrême droite implantée dans une scène musicale ? C’est là qu’on peut trouver parfois que ce qui est proposé reste très idéologique, très loin de toute pratique, et surtout très virtuel. Ca ne veut pas dire qu’on a la solution à ce problème, mais c’est dommage que la question se pose pas davantage, ou que certains estiment qu’elle se résout par quelques déclarations d’intention, ou l’espoir de constituer le RABM en tant que safe space. C’est très insuffisant et très illusoire. C’est aussi effectivement insuffisant si « red » peut accepter des nostalgiques de Staline qui ne valent pas mieux que les collectionneurs de casques à pointe ! Après c’est normal que les dénominations soient plus vagues qu’en politique, mais il faudrait se réunir autour d’une volonté commune de lutter contre tout ce fatras anti-immigrés, patriote, enraciné dans des terroirs ou des valeurs morales répressives, homophobes et transphobes parce que c’est quand même ça l’essentiel de la question. On a écrit un texte sur le sujet pour nos amis de CVLT Nation : https://cvltnation.com/in-the-nightside-eclipse-of-pretenses-black-metal-anti-fascism-and-non-violence/
Void : Question compliquée, il y aurait une mauvaise façon de te répondre et une bonne, alors par honnêteté je vais te donner un peu des deux. C'est difficile de se sentir proche pour nous du RABM dans le sens ou la question de l'autoritarisme ne semble pas y intéresser grand monde. Moon qui est communiste anti-autoritaire en parlera mieux que moi, mais de notre point de vue, c'est inimaginable pour nous de s'associer avec des apologues de Staline, Lénine, Mao, Trotski, Pol Pot & co. Et le "R" de RABM n'est clairement pas soumis à ce genre de principes anti-autoritaires qui sont pourtant intrinsèques et non négociables dans le "A". Problème, donc. Nous sommes contre tous les pouvoirs, donc on copine pas avec ce genre de communistes-la. Tout cela poursuit d'ailleurs le filon provocateur d'Euronymous qui affirmait son admiration pour Staline et les dictateurs sanguinaires, probablement pour choquer sa tata, et non sans rappeler la fascination de beaucoup d'autres pour des dictateurs sanguinaires de droite avec un autre genre de moustache. On mange pas de ce pain là, c'est important pour nous. Les anarchistes, nihilistes, communistes anti-autoritaires ont été décimés, liquidés et leur mémoire salie par les nazis comme par les bolcheviques. Ces derniers, en France, à travers le PCF et la CGT ont d'ailleurs réussit à mettre la main sur une certaine historiographie dont il reste encore à se défaire aujourd'hui. Aussi, pour donner un autre exemple (anecdotique mais représentatif du malaise que je cherche à exprimer), quand je vois que des groupes font des benefits pour des trucs comme la Croix Rouge ça me déprime franchement. On a lutté pendant des années contre cette infâme organisation qui co-gere des prisons pour étrangers aux quatre coins du monde et maintenant ça... Puis 200 ans de critiques de la logique humanitaire et de la soumission qui va avec oubliés d'un coup. Peut etre que le RABM manque globalement un peu de sérieux, à quelques exceptions près. Sinon il y a aussi plein de groupes qui se démènent dans tout ça, qui font les choses de manière intéressante sans forcement se revendiquer de tel ou tel courant politique, souvent ils m’intéressent plus que les têtes de gondoles de la « musique engagée », surtout quand ils font de la bonne musique! Dans les groupes souvent estampillés RABM ceux que je préfère sont probablement Spectral Lore, Iravu, Feminazgul, Tumutuous Ruin, Iskra, Panopticon, et d'autres encore que tu peux retrouver sur une compilation qu'on a organisé et produit nous-mêmes en 2022 : https://non-serviam.bandcamp.com/album/va-not-a-minute-of-silence
J'aurais aimé, lorsque les années 90 commencèrent, avoir des contacts avec des gens de ma région qui se revendiquent anarchistes ou de Gauche, comme moi, mais à l'époque la plupart penchaient très à droite, voire pire. Finalement on peut se réjouir que cette scène BM de Gauche se développe, non ?
Void : Oui c'est clair. Comme t'as pu le remarquer je suis jamais content, mais on va pas se mentir qu'on en avait bien besoin de ce renouveau là, même si il reste timide et va avec des inconvénients. Je viens d'une région qui est généralement considérée comme la pire de France à ce niveau là (j'ai grandis à Nice), je sais pas si c'est la même que toi (NdA : oui c’est la même région, je suis d’Avignon) mais le moins qu'on puisse dire c'est que c'est infesté de racistes, de fascistes et de néo-nazis. Quand t'allais voir Mayhem il y a 20 ans à Marseille t'avais des bandes de 30 nazis musclés qui foutaient la terreur aux mecs comme moi, qui ont pas la bonne gueule, et c'était juste normal pour tout le monde, fallait réussir à les éviter, et pas de chance pour ceux qui se faisaient défoncer à coup de rangers dans les pogos. Bon depuis j'ai exploré plusieurs arts martiaux et je n'ai plus peur d'eux comme avant, mais je me souviendrai toujours de la terreur néo-nazie des années 90, les ratonnades, les collages armés, c'était vraiment l'enfer, et y a eu des morts, des paralysés à vie, c'était loin d’être aussi confortable qu'un bulletin dans l'urne et un sticker sur la bagnole. Aujourd'hui ça s'est inversé et les nazis sont obligés de se cacher un peu plus. Ouf ! On respire quoi... Mais la droitisation globale de la société rejoue les lignes de fractures, et l'atmosphère, à l’échelle de la société française, et en vérité c'est une tendance globale, devient réellement irrespirable. Entre les populistes, les transphobes, les incels, les conspis, les racistes, les réacs, etc. on a sérieusement besoin d'air.
Après pour prendre un tableau un peu plus large, nous la gauche on aime pas ça, on est anti-parlementaires et on veut en finir avec la démocratie. Du coup il arrive souvent qu'on se retrouve avec le même genre de problèmes dans le metal que dans la politique avec certains gens de gauches. Pas tous hein, en général ça se passe bien avec la plupart des gens qu'on croise, mais ceux qui, n'ayant jamais foutu un pied dans une manif qui était pas de la FI, pensent qu'on est des fascistes parce qu’on a pas voté Mélenchon ou parce qu’on ne soutient aucun Etat ni aucun nationalisme, et qui par dessus le marché se permettent de nous harceler virtuellement, on s'en passerait bien... Mais bon on s'en fout de ces conneries, on est là pour faire des riffs.
Moon : la question c’est de trouver un point de départ pour une radicalité offensive, au niveau musical comme au niveau politique, et c’est sûr que ça fait du bien de pas être seul sur ces 2 terrains là. Bien sûr, il faut souhaiter que cette scène continue à devenir la plus vivante et la plus variée possible, sans s’asservir à la défense d’une ligne politique qui s’arrogerait seule le droit d’être « antifasciste » alors qu’elle défend tout autre chose. Il faut que cette scène-là continue d’accepter les révolutionnaires et les anarchistes, les punks de cœurs qui ont pas de projet bétonné pour des lendemains qui chantent, et tant mieux, qui ne rêvent pas de gagner les élections et vont même jusqu’à se prononcer contre vote (ce qui est une des bases de l’anarchisme…), et peut-être aussi se pose davantage la question des pratiques antifascistes, parce que la musique n’en est pas une à elle seule !
Biollante tire son nom de la créature (Kaiju japonais) qui affronte Godzilla. Qu'est ce que ce nom symbolise pour vous ?
Moon : au-delà des éléments esthétiques que ce nom charrie avec lui, c’est sûr que les Kaiju sont récurrents dans les références de nos projets parce qu’ils nous fascinent. Il y a leur taille gigantesque, leurs proportions complètement inhumaines, leur démesure, mais aussi leur altérité radicale teintée de mélancolie et d'indifférence. Imaginer leur vision du monde est une plongée dans un ailleurs total où détruire le monde tel qu’il est n’est même pas un projet, mais une évidence. Les Kaijus regardent bien au-delà de Tokyo, du monde des salary man et des hélicoptères de l’armée. Biollante nous touche particulièrement par sa capacité de métamorphose, tour à tour gros monstre, rose épanouie ou smog toxique. C’est un peu comme au 16ème siècle quand on s’imaginait reproduire la musique des sphères célestes : se demander ce que serait la musique des Kaiju c’est ouvrir plein de possibilités de déplacement et d’expérimentation, c’est une altérité radicale qui pousse à chercher l’inouï. Et puis les Kaiju portent la nécessité de l’acceptation du fait que rien n’a vraiment de sens, et que c’est depuis cette place dérisoire qu’on les admire, eux qui portent leur regard jusqu’à un tout autre horizon et n’envisagent même pas l’existence humaine. Et puis il y a l’orgueil total de ces humains minables qui veulent les affronter, toujours mis en scène dans les films à coup d’avions de combat et de généraux qui tapent du point sur la table, auquel on oppose une admiration sans limite, un accueil dans la joie de la perspective de la destruction.
Avec Biollante vous proposez un rap très marqué par l'industriel, le trap metal, quelques emprunts au black metal et vous revendiquez l'influence des Death Grips, Ic3peak, Swans (une influence qui revient beaucoup chez toi) ou encore Ho99o9. Peux tu nous en dire plus sur ce collectif dans lequel vous collaborez avec les rappers de Gobscrew ?
Moon : c’est un collectif qui s’est formé de manière très particulière et à un moment très intense, alors qu’un de nos camarades s’est retrouvé incarcéré à Fleury, arrêté suite à une manif contre Génération Identitaire. On a décidé de lui faire une chanson sur laquelle il pourrait poser son couplet en sortant et on a réuni Non Serviam et le Gobscrew dont cette personne faisait partie, ainsi que tous ceux qui voulaient contribuer à cette proposition, par des voix, des textes ou autre, et en une journée on a écrit et enregistré ce qui a fait la base de « Le monde me revient crié ». Puis on a continué, en mélangeant rap, musique industrielle, voix, claviers, harpe, guitares, cris, chants, jusqu’à aboutir à un premier album, puis à un deuxième en cours de finalisation. Le collectif est à géométrie variable, autour d’un noyau stable de quelques musiciens et rappeurs et, en live, des 2 danseurs de Pourchasse Carcasse (qui dansent aussi pour Hiverlucide et Non Serviam). On est plus ou moins tous liés aussi par la volonté d’en découdre avec le monde, et c’est souvent avec Biollante qu’on accompagne ce qui nous arrive de beau ou de triste, comme quand on a fait une chanson et un concert de soutien pour notre ami Serge qui s’est prit une grenade dans la tête à Sainte Soline. C’est un projet qui a une grande spontanéité et un caractère imprévisible. Je ne sais pas précisément vers où ira Biollante dans les temps prochains, mais je suis sure (et j’espère) que cette énergie collective a de quoi durer et évoluer de manière inattendue.
Vous venez de sortir une version redux du premier album de Biollante et il est disponible en version physique. Peux tu nous présenter cet album ?
Moon : c’est un retour sur le premier album (qui s'est retrouvé très vite sold out) avec l’expérience acquise entre temps, ainsi que l’aide du label Atypeek avec lequel on a signé récemment (alors que le premier album était autoproduit). Toutes les chansons ont été remixées par Void et remastérisées par Yaref Ben Hazim. On a choisi d’y intégrer la chanson pour Serge ainsi que 3 instrumentaux qui permettent de découvrir autrement les chansons en question. Pour nous c’est aussi une manière de préparer avec Atypeek la sortie du deuxième album qui est quasiment prêt et devrait être programmée bientôt.
Hiverlucide est également très inclassable et expérimental, on y trouve de la noise, du dark ambient, de l'indus, du drone etc. Peux tu nous en dire plus sur ce projet spécifique ?
Moon : C’est un projet qui est vraiment issu de Non Serviam et de l’affinité musicale qui s’est peu à peu constituée avec Void, jusqu’à nous donner envie de tenter cette forme entièrement improvisée. On était aussi frustré de ne pas encore avoir trouvé comment produire Non Serviam sur scène (autrement qu’en lançant une quantité astronomique de samples), et il se trouve que cette forme qu’on adoptait assez naturellement quand on jouait ensemble pouvait par contre avoir cet avantage de se jouer en temps réel et en public. La musique vient directement de cette manière de faire : des morceaux très longs, qui prennent le temps d’entrer dans les sons qui se mélangent, la possibilité de faire durer des boucles lancinantes jusqu’au bout, le fait de jouer vraiment chacun à partir de ce que l’autre improvise, tout ça nous convient vraiment bien. On explore sans limites la lenteur et la mélancolie, les bruits, le très grave, le très aigu. Le fait que nos amis danseurs Pourchasse Carcasse se soient emparés de notre musique pour l’accompagner de leurs improvisations dansées nous ravit aussi et permet que chaque concert explore quelque chose d’inattendu. C’est aussi une forme légère, ce qui nous permet de jouer facilement dans des lieux et des conditions inhabituels, et c’est quelque chose qu’on recherche, d’autant plus que c’est une musique qui a quelque chose d’intime et convient bien à des petites salles. C’est un peu notre projet de musique de chambre, en somme !
Quelle est votre vision du monde dans lequel nous vivons et pensez-vous que l'avenir peut être meilleur ?
Void : Vaste question ! Depuis mon plus jeune age, ce monde qui m'a très mal reçu, me dégoûte. Viscéralement. La plupart des gens aussi me dégoûtent. Je pars donc de loin. Entre temps j'ai vécu quelques diagnostics qui m'ont aidé à avancer plus sereinement, à détester ce monde plus rationnellement et un peu moins avec les tripes, pour y survivre et pour apprendre à accepter les merdes que j'ai vécu. C'est pas facile tous les jours et j'ai peu d'espoirs pour l'avenir. Il y a quelques années je t'aurais répondu que la révolution allait avoir lieu sans pouvoir te dire aujourd'hui si c'est parce que j’étais con ou clairvoyant. Maintenant je traîne mon nihilisme fatigué un peu partout, je me bats avec tout le temps, je fais de la musique avec. Mais non les humains sont vraiment des énormes merdes, globalement. C'est pas parti pour aller mieux. Déjà quand ils ont commencé à foutre des centrales nucléaires un peu partout, on a compris que ça allait être de plus en plus compliqué de faire la révolution. Cependant, la tension et les perspectives révolutionnaires perdurent...
Moon : grâce à la musique, à l’amour et à la révolution, le cœur bat encore !
Si Non Serviam était une citation ou un proverbe ça donnerait quoi ?
Void : J'ai toujours beaucoup aimé cet aphorisme de Scutenaire : « Je suis comme les autres ! s'écria l'idiot du village : il avait malheureusement raison ! ».
Moon : je crois que personne n’a mieux dit cette tension vers l’inconnu et la révolte qui nous meut que Shakespeare « O gentilshommes, le temps d’une vie est bref. Si nous vivons, nous vivons pour marcher sur la tête des rois ! »
Je vous laisse le mot de la fin
Void : Merci pour ton intérêt et pour tes questions. The old world has to burn.
Moon : ...and the old guard has to watch it !
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THE ENGLISH VERSION
Political engagement is very powerful in your work, and it collides with the poetry of the lyrics, which sometimes border on abstraction. How do you see the collective from a philosophical and ideological point of view?
Void: From a philosophical point of view, I would say that the collective is both anarchist and existentialist, rejecting artificial transcendence and strongly drawn to truly lived transcendence. But it is the people who make up the collective who are anarchists; the music is what it is. I can't really say. What I can say is that it is produced by revolutionaries, and that probably changes something in the way it is made, thought out, produced, etc. Most of the time (not when we cover an old anarchist song, of course), we don't try to give the music or even the lyrics a particular political or philosophical slant; it just comes out that way because that's who we are. I haven't done much else in my life but fight for the spread of anarchist ideas and practices, so I would have had a hard time making music that kisses the ass of power. Also, when you have your head down, you want to sing, think, and live something else, in reality. I see bands doing a kind of anarchist cosplay with as many folkloric clichés as possible, the same clichés that the anarchists I know have long since grown tired of, and wondering which riff will sound the most rebellious so they can lay their slogan-like lyrics over it. Well, from where we stand, we don't give much credibility to this kind of politicization in the music scene. It's often about pins, aesthetics, and folklore. Comrades who are really fighting don't have the time or money to go on a world tour, no matter what, or else their struggle is only discursive: they make posts, they write poems. But political struggles waste their time in virtuality; their place is in front of prisons and courthouses, in the riots and attacks that shake the state and capitalism, in social warfare. Cultural wars are futile and do not interest us, at least from a political point of view. Our music is not militant as such, so it is us who are militant, and among all our activities, it is certainly not with extreme music groups that are unlistenable to most people that we are going to make anarchist ideas triumph. Above all, it is probably more an outlet for our political activities than one of them. Bands that consider their militant activity to be their music are not, in our opinion, militants, and that's fine, we don't really care, but the struggle doesn't happen at concerts. People who think they're great revolutionaries because they sing “ACAB” in basements in front of 30 people are probably a little psychotic, and good for them, we don't have that luck. Moon: I would say that politics comes first for each of us. In fact, it was politics that brought us together in the first place, the desire to intervene to destroy this world. That doesn't mean that music can't have a more essential, less contingent character. It depends only on us and our creative intensity. I think being subject to contingency is a radical difference. If we did politics the way we do music, it would undoubtedly be purer and more satisfying in an abstract way, but it would also be very futile. Indeed, making music while being revolutionary undoubtedly changes the way we approach music, since we make this music with who we are and with our experiences, which are both very marked by politics, but we have never considered music as just another means of promoting our ideas or intervening in this field. When it comes to philosophy, it's a little different. I think that Hiverlucide's albums, Biollante, and Non Serviam have something to offer listeners on an aesthetic level, and undoubtedly on an ethical level as well. I think we share a desire to be fruitful in this regard, to give people something to listen to, to feel, to reflect on, based on what we ourselves have absorbed, without any authority over what it becomes for those who lend an ear, of course, but in the hope that something in all this will touch them, and that it will become something else that belongs to them, and so on. That's the best we can wish for “Art,” it seems to me, rather than enslaving it to some cause, however relevant it may be in itself, or reifying it in museums or in cultural spheres separated from real life, is to spread, amplify, and transform itself through capillary action, from those who do it to those who receive it. Let's take each project separately: Non Serviam means “I will not serve,” and we find this phrase in the mouth of Satan/Lucifer, who opposes God. Is this a metaphor for anarchism standing up to an authoritarian society? Moreover, which “school” of anarchism do you feel closest to: Stirner's individualist anarchism, Bakunin's collectivist anarchism, or libertarian communism (Malatesta, Cafiero), whose red and black flag has regained quite a bit of color in recent years? Void: Yes, satanic rejection is obviously comparable in every way to anarchist rejection. Satan and anarchists have all asserted themselves primarily through rejection, through negativity. The positive figure of Satan can be found in many anarchist theorists, in the writings of Bakunin, Joseph Déjacque, and many others (even in that idiot Proudhon). In 1883 in Kansas, there was even an anarchist newspaper called Lucifer, The Light-Bearer, to which anarchists such as Emma Goldman and Voltairine de Cleyre contributed. In short, there are many parallels, and we are not the only ones, nor the first anarchists to reappropriate the figure of the devil. As for the second part of your question, let's say that I explore an unusual synthesis between the thoughts of Stirner and Bakunin, a kind of individualist AND revolutionary anarchism. I've generally had an individualist anarchist leaning for several decades now, but not like those educational individualists who were in fact the ancestors of the alternative movement, with their nudism, their diets, their stupid moral stuff. No, I mean those who took up arms, who theorized and practiced war on society, the illegalists. An individualism that has nothing to do with deconstruction, personal development, or any other form of liberal narcissism, but rather a combative individualism (as defended, for example, by Aviv Etrebilal, Feral Faun, Novatore, etc.). Then, through trans-historical filiation, there is also Autonomy, taking a detour via modern Italian insurrectionism (Bonanno, Porcu, etc.). As for the red and black flags that have supposedly regained their colors, I'm not so sure. What I see above all are crude political marketing offensives by far-left parties (mainly LFI and NPA) to co-opt anarchism and strip it of all its subversiveness. It started with a book by Besancenot, who, under the pretext of advocating friendship between red and black (Besancenot RABM?), had in fact theorized the appropriation of anarchism by certain fringes of French parliamentary leftism (in this case, the Trotskyists). Let us remember that historically, anarchists do not consider the left and the far left (even extra-parliamentary) of the state and capital as their allies, but as the (left-wing) allies of the state and capital. So we end up with shitty little armies of cosplay anarchists who do nothing but call for votes and drum up support for parties, but under the red and black flag. A disaster that was unimaginable 10 years ago. A luxury that parties had never enjoyed before. We were at war with the parties and the unions. With their security services. Serious things happened. We haven't forgotten any of it, and we will never work politically with these scoundrels. For our part, we continue to carry the torch of a non-folkloric anarchism, modestly and on our own scale, one that is not a sexy showcase to get people to vote for candidates on the left or right of the political spectrum. As is often said, Auguste Vaillant is the only person to have entered parliament with good intentions. Moon: The primal act of rebellion that we find narrativized in Satan's refusal or in Prometheus' theft of fire is first and foremost an act of destruction of power, exemplifying the possibility of the destruction of all powers. It is a radical conflictuality that is the starting point for all possibilities, for all experiments. Satan is much more than the first revolutionary, but it is certain that revolutionary perspectives begin with a refusal of this kind. Non Serviam is also the beginning of materialism, the rejection of religious enslavement from within biblical narratology itself. It is the first deviation, the first “fault,” and outside of deviation, we cannot see how there can be experimentation and “the new.” It is a cry of revolt and life in an apocalyptic landscape, the heart still beating.
Still with Non Serviam, how did you arrive at this unclassifiable music, so free, so This avant-garde black metal, were libertarian ideas also your guide, or did the music just come together on its own?
Void: If we're really talking about the heart of the music, then the origin is clearly musical. I've been hungry for music since I was very young, and I tried my hand at every instrument I could get my hands on until I finally owned some myself. My relationship with records, albums, and songs is very special (like any enthusiast's), I mean it's probably not the same as yours, because we all have our own individual approach to listening. Do you listen more to the bass and rhythm, the guitars and melody, the harmony, the lyrics, the dissonance, the softness, the aggression, the punishment, the reward, the complexity, etc.? It's different for everyone. My own mix is difficult to describe, but it's the product of teenage passions for bands as diverse as Darkthrone, Gorgoroth, Neurosis, Merzbow, Isis (up to Panopticon), Buried at Sea, Amen Ra, Catharsis, Botch, Paysage d'Hiver, Throbbing Gristle, His Hero Is Gone, Agoraphobic Nosebleed, Nasum, Sigh, Burnt By the Sun, Playing Enemy, Orchid, Shellac, Overmars, Pj Harvey, Cat Power, Noir Désir, Chokebore, Dillinger Escape Plan (early days), etc. Most of the time, I realize after the fact that a particular riff, a particular passage, or a structural idea comes from a particular band, that I grew up and evolved alongside labels like Relapse Records in the 90s and 2000s, Hydrahead Records, that I grew up with a hardcore scene dominated by bands like Kickback and Arkangel, a BM scene in which everyone's obsession was to stay trve and not have keyboards, that I got into noise, industrial, and drone right in the face at a certain point in my life, or baroque music when I met Moon (shortly before composing “Le Cœur Bat”), etc., etc. So there you have it, everything I'm telling you here, I hear it when I listen to my music, but that's not necessarily the case for everyone. The only place where ideas have a bit of an influence on the composition is probably in certain slightly groundbreaking choices, and in the conscious desire (hers) to never end up as old has-beens of a genre, revolving around a monotonous style. That's not a criticism, I love lots of bands like that, but we'll never be Motorhead or Nasum. I like it when it's profuse, when it's colorful and counter-reactionary, when it surprises, when it punishes, and I seriously hate it, so that makes me compose differently, I guess.
Moon: For me, coming from a more classical background in terms of musical practice (more specifically baroque, since I'm a harpsichordist), it's actually something like the possibility of immense musical freedom that I encountered when I met Void and his self-taught peculiarities. Opening up black metal to the harpsichord, with its playing techniques, its convoluted ornamentation, and its particular harmonies, has opened up a whole range of possibilities, including in terms of the playing itself, and I think we still have a lot to explore. What I find “libertarian,” to answer your question, isn't stuff that's been transposed from politics to music (we're not a self-managed band, and we don't practice direct democracy in politics or music!); but rather the experimental perspective, the fact of accepting that we don't know exactly where it's all going to lead us, and seriously enjoying that, starting with a riff and developing it in ways we couldn't have imagined before doing so, which led to the entirely improvised form that Hiverlucide took, for example. For Non Serviam, it's a little different. The fact that the final composition is made up of multiple layers processed after the fact allows us to be very free when proposing tracks, bits of vocals or keyboard, and then Void shapes the songs based on these proposals.
Regarding the three projects, what are your musical, literary, cinematic, and artistic influences?
Void: I'm going to give you the geek answer. I more or less answered the question about Non Serviam's influences in the previous question. For Biollante, we can mention Death Grips, IC3PEAK, Atari Teenage Riot, Techno Animal, The Bug, and Scorn in terms of instrumentals, compositions, etc. But when it comes to rappers in terms of flow and lyrics, I'd be afraid to give you the wrong answer because they're very particular, but generally speaking, recent French rappers. For Hiverlucide, we can mainly cite Sunn O))) and Merzbow, spectral music, the baroque spirit of the basso continuo, but also bands like Brighter Death Now, Throbbing Gristle, Darkspace, Tangerine Dream, Kosmische Musik, etc.
In terms of literature, I don't know to what extent it's reflected in the music, but I discovered a lot of literature through the classics. Mary Shelley, Poe, Baudelaire, Rimbaud, Zweig, Bukowski, Hugo, Sade, Huysmans, Mirbeau, Darien, but I've mostly read (and sometimes translated) political stuff (Stirner, Bakunin, Perlman, Novatore, Libertad, Zo d'Axa, Bonanno, Landstreicher, Feral Faun, etc.) and philosophy (Stirner, Nietzsche). My favorite novelist is probably B. Traven.
I'm a huge movie buff, so I won't go into detail at the risk of boring everyone. I like directors as diverse as Tsukamoto, Malick, Kitano, Bong Joon Ho, Aster, Kollek, Bergman, Noé, Waters, Lynch, Scorcese, Fulci, Cronenberg, Corneau, Jarmush, Loach, Egoyan, Miike, Vinterberg, Korine, Clarke, etc.
Moon: To approach the question from a different angle than the more specific influences listed by Void, and focus instead on aesthetics, I think that Non Serviam and Hiverlucide are fundamentally influenced by the Baroque, for example through their pursuit of profusion, a certain “adventurism” (as the Trotskyists would say of the anarchists...), and above all a dark and melancholic outlook. There is also something symbolist in the fact that everything is done to obscure meaning (in “Salem,” Void shouted: “I sprinkle you with meaning”!), that nothing is in harsh light, and we find a shared attraction to the texts of poets such as Michaux, Verlaine, and Maeterlinck, which we have set to music with Non Serviam. But these aesthetics, both of which could be described as rather mannered, are mixed with strong effects of reality, through the samples used, which suddenly project the voices of young suicidal people from the 1970s, as in Biollante's “Pourquoi Pas,” or a woman describing what work does to her body and her life in the concept mini-album “Work,” etc. This is one aspect of the hybridization that can be found in these three projects on many levels, beyond the mixing of musical genres (hip hop, industrial, and metal in Biollante, for example) that contribute to the uniqueness of each of them.
This interview will be used in a book I'm writing about RABM (Red Anarchist Black Metal). As anti-fascists, do you feel close to this movement? And if so, which RABM bands do you like the most?
Moon: Actually, the question you're asking doesn't seem that complicated to me: yes, of course we feel close to this movement, and we even consider ourselves part of it and contribute to it, simply because, as in all other aspects of our lives, we don't want to share anything with fascists, and RABM is the arena from which it is possible to fight against them today. It's after that that it gets more complicated: what does it mean to fight against the far right in the music scene? That's where we sometimes find that what's being proposed remains very ideological, very far from any practical application, and above all very virtual. That doesn't mean we have the solution to this problem, but it's a shame that the question isn't asked more often, or that some people think it can be resolved with a few declarations of intent, or the hope of establishing RABM as a safe space. That's very insufficient and very illusory. It is also insufficient if “red” can accept Stalin nostalgics who are no better than collectors of spiked helmets! Of course, it's normal for labels to be more vague than in politics, but we need to come together around a common desire to fight against all this anti-immigrant, patriotic nonsense, rooted in repressive, homophobic, and transphobic moral values and traditions, because that's what this is really about. We wrote an article on the subject for our friends at CVLT Nation: https://cvltnation.com/in-the-nightside-eclipse-of-pretenses-black-metal-anti-fascism-and-non-violence/
Void: That's a complicated question. There's a wrong way to answer it and a right way, so to be honest, I'll give you a bit of both. It's hard to feel close to It is difficult for us to feel close to the RABM in the sense that the issue of authoritarianism does not seem to interest many people there. Moon, who is an anti-authoritarian communist, will speak about this better than I can, but from our point of view, it is unimaginable for us to associate with apologists for Stalin, Lenin, Mao, Trotsky, Pol Pot, and others. And the “R” in RABM is clearly not subject to the kind of anti-authoritarian principles that are intrinsic and non-negotiable in the “A.” So that's a problem. We are against all forms of power, so we don't hang out with that kind of communist. All this follows on from Euronymous' provocative stance, who claimed to admire Stalin and bloodthirsty dictators, probably to shock his aunt, and not unlike the fascination many others have for bloodthirsty right-wing dictators with a different kind of moustache. We don't buy into that, it's important to us. Anarchists, nihilists, and anti-authoritarian communists were decimated, liquidated, and their memory tarnished by both the Nazis and the Bolsheviks. The latter, in France, through the PCF and the CGT, succeeded in getting their hands on a certain historiography that still needs to be undone today. Also, to give another example (anecdotal but representative of the unease I am trying to express), when I see groups organizing benefits for things like the Red Cross, it frankly depresses me. We have fought for years against this infamous organization that co-manages prisons for foreigners all over the world, and now this... Then 200 years of criticism of humanitarian logic and the submission that goes with it are forgotten in one fell swoop. Maybe the RABM lacks a bit of seriousness overall, with a few exceptions. Otherwise, there are also plenty of bands that are working hard at this, doing things in interesting ways without necessarily claiming to belong to any particular political movement. I often find them more interesting than the frontrunners of “protest music,” especially when they make good music! Among the bands often labeled RABM, my favorites are probably Spectral Lore, Iravu, Feminazgul, Tumutuous Ruin, Iskra, Panopticon, and others that you can find on a compilation that we organized and produced ourselves in 2022: https://non-serviam.bandcamp.com/album/va-not-a-minute-of-silence
When the 90s began, I would have liked to have had contacts with people in my region who identified as anarchists or leftists, like me, but at the time most leaned very far to the right, or even worse. Ultimately, we can be happy that this left-wing BM scene is developing, right?
Void: Yes, definitely. As you may have noticed, I'm never happy, but let's be honest, we really needed this revival, even if it's still timid and has its drawbacks. I come from a region that is generally considered the worst in France in this regard (I grew up in Nice). I don't know if it's the same as yours (Editor's note: yes, it's the same region, I'm from Avignon), but the least we can say is that it's infested with racists, fascists, and neo-Nazis. When you went to see Mayhem 20 years ago in Marseille, there were gangs of 30 muscular Nazis terrorizing guys like me, who didn't look the part, and it was just normal for everyone. You had to avoid them, and tough luck for those who got beaten up with combat boots in the mosh pits. Well, since then I've explored several martial arts and I'm not as afraid of them as I used to be, but I'll always remember the neo-Nazi terror of the 90s, the ratonnades, the armed clashes, it was really hell, and there were deaths, people paralyzed for life, it was far from being as comfortable as a ballot in the ballot box and a sticker on the car. Today, the tables have turned and the Nazis are forced to hide a little more. Phew! We can breathe again... But the overall shift to the right in society is replaying the dividing lines, and the atmosphere, on the scale of French society, and in truth it's a global trend, is becoming truly unbreathable. Between the populists, the transphobes, the incels, the conspiracy theorists, the racists, the reactionaries, etc., we seriously need some air.
Then, to take a broader view, we on the left don't like that, we are anti-parliamentary and we want to do away with democracy. As a result, we often find ourselves with the same kind of problems in metal as in politics with certain people on the left. Not all of them, mind you. In general, things go well with most of the people we meet, but those who have never set foot in a protest that wasn't organized by La France Insoumise think we're fascists because we didn't vote for Mélenchon or because we don't support any state or nationalism, and on top of that allow themselves to harass us virtually, we could do without that... But hey, we don't care about that crap, we're here to play riffs.
Moon: The question is finding a starting point for radical offensive action, both musically and politically, and it certainly feels good not to be alone in those two areas. Of course, we must hope that this scene continues to become as lively and diverse as possible, without becoming subservient to the defense of a political line that claims the sole right to be “anti-fascist” when it defends something else entirely. This scene must continue to accept revolutionaries and anarchists, the punks at heart who have no concrete plans for a bright future, and so much the better, who do not dream of winning elections and even go so far as to speak out against voting (which is one of the foundations of anarchism...), and perhaps also ask themselves more questions about anti-fascist practices, because music alone is not enough!
Biollante takes its name from the creature (Japanese Kaiju) that fights Godzilla. What does this name symbolize for you?
Moon: Beyond the aesthetic elements that the name carries with it, it's true that Kaiju are a recurring theme in our projects because they fascinate us. There's their gigantic size, their completely inhuman proportions, their excessiveness, but also their radical otherness tinged with melancholy and indifference. Imagining their view of the world is like diving into a totally different place where destroying the world as we know it isn't even a plan, but a given. Kaijus look far beyond Tokyo, the world of salarymen and army helicopters. Biollante particularly strikes us with its ability to metamorphose, turning into a big monster, a blooming rose, or toxic smog. It's a bit like in the 16th century when people imagined reproducing the music of the celestial spheres: wondering what the music of the Kaiju would be like opens up a whole range of possibilities for movement and experimentation; it is a radical otherness that pushes us to seek the unheard of. And then the Kaiju carry with them the need to accept that nothing really makes sense, and that it is from this derisory position that we admire them, they who look towards a completely different horizon and do not even consider human existence. And then there is the utter pride of these pathetic humans who want to confront them, always portrayed in films with fighter planes and generals banging their fists on the table, which is contrasted with boundless admiration, a joyful welcome to the prospect of destruction.
With Biollante, you offer a rap style heavily influenced by industrial, trap metal, and a few borrowings from black metal, and you claim the influence of Death Grips, Ic3peak, Swans (an influence that comes up a lot with you), and Ho99o9. Can you tell us more about this collective in which you collaborate with the rappers from Gobscrew?
Moon: It's a collective that formed in a very particular way and at a very intense moment, when one of our comrades was imprisoned in Fleury, arrested following a demonstration against Génération Identitaire. We decided to write a song for him to rap on when he got out, and we brought together Non Serviam and Gobscrew, of which this person was a member, as well as anyone else who wanted to contribute to the project, whether with vocals, lyrics, or anything else. In one day, we wrote and recorded what became the basis for “Le monde me revient crié” (The world comes back to me screaming). Then we continued, mixing rap, industrial music, vocals, keyboards, harp, guitars, screams, and songs, until we ended up with a first album, then a second one that is currently being finalized. The collective is variable in size, centered around a stable core of a few musicians and rappers and, in live performances, the two dancers from Pourchasse Carcasse (who also dance for Hiverlucide and Non Serviam). We are all more or less linked by the desire to do battle with the world, and it is often with Biollante that we accompany the beautiful or sad things that happen to us, like when we wrote a song and put on a benefit concert for our friend Serge, who was hit in the head by a grenade in Sainte Soline. It's a project that has a great deal of spontaneity and unpredictability. I don't know exactly where Biollante will go in the near future, but I'm sure (and I hope) that this collective energy will last and evolve in unexpected ways.
You've just released a redux version of Biollante's first album, which is available in physical format. Can you tell us about this album?
Moon: It's a return to the first album (which sold out very quickly) with the experience we've gained in the meantime, as well as the help of the Atypeek label, which we recently signed with (whereas the first album was self-produced). All the songs have been remixed by Void and remastered by Yaref Ben Hazim. We chose to include the song for Serge as well as three instrumentals that allow you to discover the songs in question in a different way. For us, it's also a way of preparing with Atypeek for the release of the second album, which is almost ready and should be scheduled soon.
Hiverlucide is also very unclassifiable and experimental, featuring noise, dark ambient, industrial, drone, etc. Can you tell us more about this specific project?
Moon: It's a project that really came out of Non Serviam and the musical affinity that gradually developed with Void, to the point where we wanted to try this entirely improvised form. We were also frustrated that we hadn't yet figured out how to produce Non Serviam on stage (other than by launching an astronomical number of samples), and it turns out that this form, which we adopted quite naturally when we played together, had the advantage of being able to be played in real time and in front of an audience. The music comes directly from this way of working: very long pieces that take the time to blend the sounds together, the possibility of making haunting loops last until the end, the fact that we really play based on what the other improvises—all of this suits us really well. We explore slowness and melancholy, noises, the very low, the very high, without limits. The fact that our dancer friends Pourchasse Carcasse have taken our music and accompanied it with their dance improvisations also delights us and allows each concert to explore something unexpected. It's also a light form, which allows us to play easily in unusual places and conditions, and that's something we're looking for, especially since it's music that has something intimate about it and is well suited to small venues. It's a bit like our chamber music project, in a way!
What is your vision of the world we live in, and do you think the future can be better?
Void: That's a big question! Since I was very young, this world, which has treated me very badly, has disgusted me. Viscerally. Most people disgust me too. So I'm starting from a long way back. In the meantime, I've had a few diagnoses that have helped me move forward more serenely, to hate this world more rationally and a little less viscerally, to survive and to learn to accept the shit I've been through. It's not easy every day, and I have little hope for the future. A few years ago, I would have told you that a revolution was coming, though I can't say today whether that was because I was stupid or clairvoyant. Now I drag my weary nihilism around with me everywhere I go, I struggle with it all the time, I make music with it. But no, humans really are a bunch of assholes, on the whole. Things aren't going to get better. When they started building nuclear power plants everywhere, we realized that it was going to be increasingly difficult to start a revolution. However, the tension and revolutionary prospects remain...
Moon: Thanks to music, love, and revolution, the heart still beats!
If Non Serviam were a quote or a proverb, what would it be?
Void: I've always loved this aphorism by Scutenaire: “I am like everyone else!” cried the village idiot: unfortunately, he was right!
Moon: I think no one has better expressed this tension towards the unknown and the rebellion that drives us than Shakespeare: "O gentlemen, the time of life is short. If we live, we live to walk on the heads of kings!"
I'll leave you with the last word.
Void : Thanks for the interest and questions. The old world has to burn.
Moon : ...and the old guard has to watch it !




