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Nouvelle Interview 25/07/25 - DARKENHÖLD - Black Metal Médiéval - Le Scribe Du Rock - Pierre Avril - LADLO
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"Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !"
Salut Darkenhöld ! « Le fléau du Rocher » votre sixième album (déjà!) vient de sortir chez les Acteurs de L'Ombre. Pouvez vous nous présenter ce nouveau sombre bébé ?
Cervantes : Ce sixième album est un album concept qui raconte une histoire complète, avec des protagonistes bien identifiés et des péripéties qui font de chaque morceau un chapitre. Les auditeurs y retrouveront tous les éléments qui font l'identité de Darkenhöld, avec une collection de morceaux de Black Metal mélodique, épique et atmosphérique, teintés de Heavy Metal à l'ancienne et animés d'un esprit médiéval. Nous avons souhaité que cet album sonne vraiment authentique et naturel, ne pas le surproduire ni chercher à obtenir une proposition sonore trop propre, clinquante et chromée. Je trouve que ces morceaux déploient chacun leur petite personnalité et il me semble qu'on peut trouver dans cet album une synthèse de notre parcours.
Pouvez vous m'en dire un peu plus sur l'histoire derrière « le fléau du rocher » ?
Cervantes : De mon côté, en termes d'écriture, je suis fondamentalement inspiré par les randonnées et balades qui m'occupent sur un certain nombre de mes heures libres. Et j'ai fait la découverte, il y a deux ans, d'un endroit incroyablement inspirant dans les montagnes de l'arrière pays niçois, à savoir un village fantôme dont les ruines sont perchées au sommeil d'un rocher. Ce village s'appelle Rocca Sparvièra, ce qui signifie "Le rocher des éperviers", un endroit peuplé de légendes.
De son côté, Aldébaran a été très profondément marqué par la déclaration de la guerre en Ukraine et c'est un sujet qui le travaille et l'affecte au quotidien... Il a écrit le morceau qui va devenir la chanson titre de l'album pour évoquer les images horribles des cités ukrainiennes ravagées... J'ai alors réfléchi à une histoire complète qui pourrait faire se rejoindre ces deux points forts et y injecter l'imaginaire de Darkenhöld.
Je raconte ainsi la tentative d'envahissement d'un royaume par un monarque voisin ayant mis un mage maléfique extrêmement puissant et mystérieux à la tête de son armée... Pour le contrer, le roi subissant l'invasion, vieux et psychologiquement fatigué, va suivre les conseils de son fils cadet qui l'encouragera à envoyer le fils ainé, grand guerrier et héritier du royaume, pour rétablir la paix à la frontière. Mais les intentions du cadet sont évidemment infectées de fourberie et le conflit à venir va se nouer autour du fils ainé et du mage noir, avec en figure pivot l'introduction dans la mêlée d'une sorcière aux étrangers pouvoirs, vivant incognito dans un village perché qui sera au coeur du drame... Toute l'histoire est détaillée en profondeur dans "Le conte du rocher", pièce maîtresse du coffret inédit qui accompagne la sortie de l'album. C'est Quentin Foureau, illustre conteur bien connu de la sphère Métal extrême, qui prête sa voix à ce conte posé sur une adaptation aux claviers, signée Aldébaran, des morceaux de l'album.
On est quasiment voisins dans le Sud est. Selon vous que vous apporte cette région au niveau musical et narratif ?
Cervantes : Comme je le disais, je suis très inspiré par la nature sauvage qui marque notre région. Tu le sais puisque tu es dans le Sud-Est, mais la côte d'azur représente un incroyable territoire aux reliefs marqués, entre mer et montagnes, avec de belles forêts profondes, des massifs majestueux, des lacs perchés en altitude, et un nombre non négligeable de ruines médiévales et autres châteaux forts, ainsi que des légendes qui nourrissent l'imaginaire. Je veux en transmettre quelque chose dans mon écriture. Et Aldébaran est également adepte de longues marches en forêt, et ne refuse pas les montagnes... Il en rapporte des éclats d'inspiration, des atmosphères et des images qu'il s'applique à traduire en notes. En ce sens, notre musique est inspirée de notre terre.
Vous avez gardé ces sonorités médiévales pour un black metal qui garde un pied dans la tradition BM des 90's et l'autre dans quelque chose de plus mélodique et folkisant. Comment se fait ce savant dosage ?
Aldébaran : Il n’y a pas de plan pré-conçu lors de l’élaboration des chansons de Darkenhöld, je mets en musique des impressions, des airs qui m’inspirent. Qu’ils soient folk médiéval ou black ces éléments s’insèrent entre eux pour capturer des images, des sensations. J’ai été fasciné dans les années 90s par cette musique venue du nord, elle garde encore en moi un certain attrait lorsque je réécoute les concerts ou les albums de cette époque qui étaient baignés d’une aura assez particulière. En parallèle je suis aussi un amateur de musique classique et de musiques anciennes (Renaissance, Moyen-Âge), des compositeurs comme Guillaume De Machaut ou Bach sont toujours une source d’inspiration et peuvent aider dans ma quête d’harmonie et de mélodie, pour trouver le riff qui va bien.
On vous compare parfois aux également excellents Aorlhac, Véhémence et même à Emperor pour le côté épique et complexe. Ces comparaisons vous plaisent elles ? Que pensez vous de ces groupes ?
Aldébaran : L’aspect épique et médiéval était une facette déjà présente chez mon précédent groupe Artefact avec qui nous avons sorti trois albums entre 2000 et 2008. Lorsque nous avons commencé à enregistrer nos démos avec Darkenhöld en 2008, nous avions remarqué ce jeune groupe Aorlhac qui avait des thématiques assez similaires aux nôtres. Les deux groupes ont en commun ce point d’ancrage autour des légendes locales et cette passion du Moyen-Age. Nous avons déjà joué plusieurs fois avec eux en concert et partagé un split-album intitulé la Maisnie du Maufé avec Ysengrin et Ossuaire. Quant à Véhémence nous avons été en contact avec Tulzcha pour des projets similaires. Nous les considérons comme des groupes « amis », je pense malgré tout que chacun a son identité propre et une façon personnelle d’aborder ces thèmes ainsi que des approches musicales assez différentes.
Je crois qu’Aorlhac et Véhémence ont aussi été influencés par le black nordique et mélodique des années 90.
En ce qui concerne Emperor, bien sûr c’est un groupe vénérable qui a toujours fait partie de nos références.
Cervantes : En effet, notre inspiration en terme de Black Metal s'abreuve aux mêmes sources pour Aldébaran et moi-même : le Black Metal des 90's avec, essentiellement, les premiers albums de Emperor, Satyricon, Dimmu Borgir, Ancient, Abigor, Godkiller, Dissection, Obtained Enslavement, Bal Sagoth, Marduk, Setherial, etc... Il est bien possible que Aorlhac et Véhémence aient des références communes avec nous, et ils partagent assurément un imaginaire proche, il est logique que nous soyons comparés, même si nos musiques ont en effet des caractéristiques différentes, comme le mentionne Aldébaran... A titre personnel, je connais et j'aime sincèrement Aorlhac depuis ses tout débuts et le EP "A la croisée des vents" reste mon enregistrement favori du groupe... Véhémence a été une très belle découverte pour moi et j'adore "Par le sang versé". Le morceau "La fronde des anges", qui le clôture, est l'un de mes morceaux de Black préféré de ces dernières années.
Le côté mélodique et atmosphérique de Darkenhold peut séduire des personnes en dehors du strict milieu black metal. Avez vous des retours de personnes qui, justement, ne se revendiquent pas forcément de cette scène – en tout cas du côté « Trve » - et qui vous apprécient ?
Cervantes : Oui, notre Black Metal présente des accointances avec le Heavy Métal de tradition, et même très ponctuellement avec du Speed-Thrash. J'accueille assez régulièrement des témoignages de gens qui nous ont confié ne pas être forcément fan de Black Metal mais avoir apprécié nos morceaux car, au-delà de la virulence des tempos et des riffs et de l'agressivité vocale, ils pouvaient être sensible à notre intérêt pour les mélodies et réceptifs à notre méthodologie de composition non linéaire (sans aller jusqu'à parler de Prog Metal évidemment). Mais même les amateurs de Black Metal plus orthodoxe et extrême sentent bien que nous avons des références claires dans le genre et que nous n'avons pas de leçon de "gardiens du temple" à recevoir. J'écoute du Black Metal depuis 1996, Aldébaran plus tôt encore…
Aldébaran : J’espère que la musique de Darkenhöld peut en effet dépasser une étiquette restrictive et toucher des personnes assez différentes. Après il est difficile pour moi de l’intérieur d’évaluer le potentiel de personnes qui pourraient être touchées par notre musique.
Cet album a du représenter un énorme travail tant la musique et les textes sont riches. Essayez vous à chaque album de créer le meilleur album de Darkenhold ? Combien de temps passé sur un album de cette ampleur .
Cervantes : Oui, cet album a représenté énormément de travail, d'autant qu'il s'y est ajouté celui consacré notamment à la création de "Le conte du Rocher". A l'exception de la batterie, nous avons tout enregistré nous-mêmes et le mix a été réalisé également par Aldébaran (le mastering est l'œuvre de Ben Lesous). Et bien évidemment, il n'y a pas une trace d'IA dans la composition ni dans l'écriture des paroles.
Il y a un mot d'ordre très clair dans Darkenhöld : rien ne sortira sous ce nom par contrainte ou obligation. Quand nous avons assez de morceaux solides, et que nous assumons pleinement, pour forger un album, nous les paufinons et en faisons un recueil. Si l'inspiration n'est pas là ou qu'elle est investie ailleurs, alors la vouivre restera bien tranquillement dans sa tanière et attendra son heure.
Nous voulons être fiers de chaque morceau que nous envoyons sur le terrain sous la bannière de Darkenhöld, et nous ne forçons jamais les choses. C'est notre meilleure garantie pour proposer des albums que nous voulons qualitatifs, sincères et robustes. Bien sûr, nous cherchons toujours à proposer les meilleures compositions possibles... C'est pourquoi nous ne faisons rien d'un morceau tant que nous ne sommes pas convaincus qu'il est à la hauteur de nos attentes. Hors de question de faire "l'album de trop" ou de sortir un disque juste pour maintenir l'attention. Ce n'est notre vision de la musique.
Pouvez vous nous parler des concerts du groupe ? Des choses ont elles évolué ces dernières années ?
Cervantes : nous essayons toujours de nous améliorer sur scène, d'apporter de petits éléments de décor ou des accessoires pour faciliter et renforcer l'immersion. Nous aimons pouvoir offrir un moment particulier au public, pas juste jouer nos morceaux, sans pour autant verser dans un carnaval de mauvais goût. J'aime beaucoup ces moments de rencontre avec nos fidèles soutiens et voir débarquer de nouveaux fans, c'est toujours un plaisir de recevoir les retours positifs de personnes qui nous ont découvert par hasard et repartent avec la volonté de creuser notre discographie. Nous espérons juste pouvoir assurer plus de concerts en dehors de nos frontières, notamment en festivals.
Si Darkenhold était un proverbe ou une citation ça donnerait quoi ?
Cervantes : C'est la première fois qu'on nous pose cette question ! Je ne résiste pas à l'envie de citer mon héros préféré et mon livre de chevet, à savoir Cyrano de Bergerac... C'est forcément un peu emphatique, mais je trouve que ça a du sens par rapport à notre approche avec Darkenhöld, dont j'ai parlé plus tôt. Nous ne cherchons pas la gloire, et ce que nous avons réussi à accomplir, nous l'avons construit patiemment, même si nous aurions pu peut-être grimper plus haut si nous avions fait certains compromis qui auraient terni notre fierté. Mais je souhaite compléter aussi en disant que nous avons la chance d'avoir de fidèles soutiens et un label - Les Acteurs de l'Ombre - qui croit en nous et nous laisse une grande liberté. Et ils ont leur part dans les succès que nous avons pu obtenir, même si, fidèle à Cyrano, nous ne nous battons pas dans l'espoir d'en obtenir. La citation donc :
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !
Le mot de la fin est pour vous :
Cervantes : merci pour ton intérêt pour le groupe, et merci à celles et ceux qui auront consacré du temps à lire cette interview. Nous espérons vous croiser bientôt en concert pour vous présenter nos nouveaux morceaux.
MERCI
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